Montrer comment un voyage initiatique définira la manière dont Peter Lindbergh abordera la photographie est le postulat de départ choisi par Tara Londi, curatrice de l’exposition d’été du Pavillon Populaire à Montpellier. C’est un voyage sur les traces de Van Gogh, décidé par le jeune étudiant en art en quête de découvrir la part de lui-même la plus authentique, qui servira de déclic à cette quête de vérité qui caractérisera son travail de photographe.
Inspiré tant par l’artiste arlésien d’adoption que par Joseph Kosuth et l’art conceptuel, ces influences et la formation artistique qu’il fit à l’Académie des Arts de Berlin et à l’école d’art de Krefeld transparaissent dans le grain texturé de ses photographies (qui pourrait évoquer des coups de pinceau) et dans sa manière d’imposer un style qui lui est propre.
L’exposition, en collaboration avec la Fondation Peter Lindbergh, s’ouvre sur un aperçu des jeunes années du photographe. On y voit des portraits de l’artiste avec son épouse Astrid, une période où sa vision artistique n’avait pas encore gagné la reconnaissance dont il jouirait plus tard.
À travers les images et la scénographie de l’exposition, la pensée et le processus motivant l’œuvre, au-delà de figures purement esthétiques, se révèlent. Cette rétrospective a pour nom « Devenir » car elle révèle le potentiel primordial du sujet photographié, sa pureté, sa complexité. « Devenir » aussi, car c’est le cheminement de l’artiste qui est mis en lumière.
S’il fut l’un des photographes de mode contemporains les plus renommés et aimés, ses œuvres ont ce paradoxe de révéler l’essence de l’être qui y figure, libéré de ces carcans perfectionnistes que l’on attribue à la mode. Il fut celui qui fit des mannequins des supermodels. Poupées de papier glacé, les visages et les corps sont incarnés, animés de désirs, de vie, de multiples sentiments. Immortalisées par Lindbergh, elles nous fascinent et nous connaîtrons désormais leurs noms. La série de photos de ces supermodels toutes vêtues de chemises blanches qu’il fit en 1988 et qui fut un succès international est présentée dans l’aile gauche du musée.
Avant-gardiste, il inventa une nouvelle forme de réalisme en redéfinissant les canons de la beauté grâce à des images intemporelles et il donna à ses photos une dimension narrative. Le noir et blanc est l’un des marqueurs de son approche minimaliste.
Cela devrait être la responsabilité des photographes modernes de libérer les femmes, et finalement tout le monde, de la terreur de la jeunesse et de la perfection. Peter Lindbergh
Ce qui est saisissant est l’immédiateté des émotions que suscitent ses photos. Dépourvues d’effets de style superflus, des portraits en noir et blanc de Kate Moss, Naomi Campell, Linda Evangelista, Charlotte Rampling, sont bouleversants d’authenticité.
L’exposition aborde également les dialogues que fit Peter Lindbergh avec d’autres formes d’expression artistique. Ses collaborations avec Pina Bausch et Holly Fisher, son travail sur les sculptures d’Alberto Giacometti, l’inspiration qu’il trouva dans le 7e art et dans la littérature.
Enfin, au travers d’une sélection d’interviews, le visionnaire qu’il fut de par sa manière si moderne de libérer l’image de la femme est révélé.
« Devenir, Peter Lindbergh » – Pavillon Populaire, Montpellier du 23 juin au 25 septembre 2022. Entrée libre, du mardi au dimanche, de 10 h à 13 h et de 14 h à 18 h.